Dans Archives du Nord, Marguerite Yourcenar se souvient avec émotion de cette « petite fille apprenant à vivre entre 1903 et 1912 sur une colline de la Flandre française ».
Marguerite Yourcenar, pseudonyme de Marguerite Cleenewerck de Crayencour, est née le 8 juin 1903 à Bruxelles. L'autrice n'a que quelques semaines lorsqu'après le décès de sa mère, Michel de Crayencour, son père, décide d'emménager au début de l'été 1903 dans le domaine familial du Mont-Noir. Marguerite Yourcenar y passera ses neufs premières années. Petite fille rêveuse et solitaire avec un père souvent absent, elle trouvera une véritable seconde famille dans le personnel de la propriété familiale. Ses premiers amis ? Ses compagnons à quatre pattes : chien, chèvre aux cornes d'or, mouton, ânesse et autres lapins sauvages gambadant en liberté dans les sous-bois.
Le Mont-Noir a été le premier terrain de jeu de l'autrice, un espace de liberté ouvert à tous les horizons de la rêverie, berceau de son imagination.
"Les plus forts souvenirs sont ceux du Mont-Noir, parce que j'ai appris là tout ce que j'aime encore ; l'herbe et les fleurs sauvages mêlées à l'herbe; les vergers, les arbres, les sapinières, les chevaux et les vaches dans les grandes prairies [...]. La grande qualité du Mont-Noir, pour moi, c'estv la vie à la campagne, la connaissance de la nature. C'est très important pour un enfnat d'avoir grandi dans un milieu naturel, d'avoir vécu avec des animaux, d'avoir rencontré quotidiennement des gens de toute espèce, d'avoir beaucoup vécu parmi les gens du peuple."
Ce paradis vert de l'enfance a nourri l'imaginaire et l'inspiration littéraire de la future autrice qui lui consacre de nombreuses belles pages dans ses livres : Souvenirs pieux (Gallimard, 1974), Archives du Nord (Gallimard, 1977) et Quoi ? L'Éternité (Gallimard, 1988). Elle a avoué que certains personnages populaires de son chef d’œuvre romanesque L’œuvre au Noir (Gallimard, 1968), Prix Femina 1968 dont l'action se déroule dans la Bruges du 16ème siècle, lui ont été inspirés par des habitants de Saint-Jans-Cappel, employés du château du Mont-Noir durant son enfance.
C'est au Mont-Noir, qu'enfant, Marguerite Yourcenar prendra conscience de la fragile beauté du monde et de celle, plus secrète, des paysages de Flandre, chers à son cœur. Lors de son retour au Mont-Noir, en décembre 1980, le charme opère encore.
"J'ai retrouvé un très beau paysage de prairies et d'arbres à peu près comme je l'ai connu enfant [...], ces immenses paysages plats avec ces grands ciels où les nuages changent sans cesse. Il y a l'immensité du ciel, l'humilité, la modestie, et en même temps la solidité des constructions humaines paysannes, la beauté des grandes rangées d'arbres dessinant en quelque sorte , la ligne de l'horizon. Et la beauté d'une atmosphère qui change sans cesse, comme dans certains tableaux du 17ème siècle, qui ont senti merveilleusement cette beauté particulière du Nord."
Peut-on imaginer plus belle déclaration d'amour à la terre de son enfance ?